Le thé vert est un univers vaste, nuancé et parfois déroutant. Derrière ce terme se cache en réalité une multitude de styles, de techniques et de traditions. Du Japon à la Chine, chaque région développe ses propres méthodes de culture, de transformation et de dégustation. Trois catégories japonaises reviennent souvent : le Matcha, le Sencha et le Gyokuro. Chacune possède une personnalité forte et révèle une philosophie différente du thé. Comprendre ces familles, c’est comprendre la structure même de la culture japonaise du thé.
Le cadre général : ce qui définit un thé vert
Avant d’entrer dans les détails, il faut clarifier ce qui distingue le thé vert des autres types de thé. Tous proviennent du même arbre, Camellia sinensis, mais c’est la méthode de transformation qui change. Pour conserver la couleur verte et les arômes végétaux typiques, les feuilles sont rapidement chauffées après la récolte afin d’empêcher l’oxydation. Au Japon, ce « blocage » se fait principalement à la vapeur, ce qui donne une note plus herbacée et fraîche, typique de la production japonaise.
Une fois cette étape passée, les feuilles peuvent suivre des traitements différents : roulage, séchage, broyage, tamisage… C’est cette diversité de procédés qui crée les grandes familles.
Sencha : le visage le plus courant du thé japonais
Le Sencha est sans doute le thé le plus représentatif du Japon. Il représente une grande partie de la consommation nationale et constitue souvent la porte d’entrée pour découvrir les thés japonais.
Comment il est fabriqué
Le Sencha provient de feuilles cueillies généralement au printemps ou au début de l’été. Après la récolte, les feuilles sont étuvées pour éviter l’oxydation, puis roulées afin de leur donner leur forme fine et légèrement torsadée. Ce roulage permet aussi de répartir plus uniformément l’humidité avant le séchage final.
Ses caractéristiques
Le Sencha se distingue par une palette aromatique assez large : végétale, iodée, parfois légèrement fruitée ou herbacée selon la région et le producteur. La durée de l’infusion joue ici un rôle clé : une eau trop chaude ou un temps trop long rendra la boisson plus agressive, tandis qu’une infusion maîtrisée révélera son équilibre.
Son rôle dans la culture japonaise
Au Japon, le Sencha correspond souvent au thé servi quotidiennement, celui qu’on partage lors des moments simples. Cette accessibilité n’enlève rien à sa technicité, car la qualité du Sencha varie énormément selon la récolte, la région et le savoir-faire du producteur.
Gyokuro : l’expression la plus luxueuse du thé vert japonais
Si le Sencha est populaire, le Gyokuro représente une autre dimension du thé japonais, plus rare et plus sophistiquée.
La particularité de son mode de culture
La singularité du Gyokuro réside dans l’ombrage. Quelques semaines avant la récolte, les théiers sont couverts afin de réduire la lumière du soleil. Cette technique ralentit la croissance, modifie la photosynthèse et développe une intensité aromatique particulière. L’ombrage demande un savoir-faire précis : trop léger, il n’a pas d’impact ; trop dense, il détériore les feuilles.
Les caractéristiques aromatiques
Le Gyokuro est reconnu pour sa richesse aromatique profonde, souvent décrite comme dense et enveloppante. Son infusion est généralement plus courte mais à une température d’eau très basse, ce qui permet d’extraire au mieux ses arômes sans les brusquer.
Une boisson d’exception
Rares sont les thés qui demandent une préparation aussi minutieuse. Le Gyokuro n’est pas un thé qu’on boit à la va-vite. C’est un thé de cérémonie intimiste, apprécié pour sa technicité et la précision nécessaire pour en maîtriser la préparation.
Matcha : le thé en poudre devenu phénomène mondial
Le Matcha n’est pas seulement un thé en poudre ; c’est un symbole culturel. Sa préparation, son apparence et son usage diffèrent fortement des autres familles.
Une transformation radicale
Comme le Gyokuro, le Matcha provient de feuilles ombragées. Ces feuilles passent ensuite par une transformation unique : elles sont débarrassées de leurs tiges et nervures pour ne conserver que la partie la plus noble de la feuille. Ce reste, appelé tencha, est ensuite broyé en une poudre très fine à l’aide de meules traditionnelles en pierre.
Ce broyage est lent et exigeant : une meule produit seulement quelques dizaines de grammes par heure. La finesse de la poudre est essentielle, car le Matcha n’est pas infusé mais ingéré dans son intégralité, puisqu’on fouette la poudre avec l’eau.
Une préparation codifiée
La cérémonie du thé japonaise repose largement sur le Matcha. Sa préparation demande un geste précis et une attention soutenue : tamisage, dosage, température de l’eau, utilisation du fouet en bambou (chasen). Les petites variations dans le geste ou l’outil modifient significativement le résultat final.
Une texture unique
Contrairement aux thés infusés, le Matcha offre une expérience en bouche plus dense et homogène. C’est une catégorie à part, qui a su traverser les siècles sans perdre son caractère cérémoniel.
D’autres familles importantes à connaître
Bien que le Matcha, le Sencha et le Gyokuro soient les plus célèbres, d’autres thés enrichissent l’univers japonais du thé vert.
Bancha
Issu de feuilles plus matures récoltées plus tard dans la saison, le Bancha possède une personnalité plus rustique. C’est un thé du quotidien, simple, direct et souvent abordable.
Kabusecha
Ce thé est un intermédiaire entre Sencha et Gyokuro : il est ombragé, mais moins longtemps. Il combine donc une partie de leur identité aromatique, sans atteindre l’intensité du Gyokuro.
Hojicha
Dans cette catégorie, les feuilles de thé sont torréfiées. Le résultat est un thé aux notes grillées ou légèrement boisées, très différent des profils végétaux typiques du Japon.
Genmaicha
Ce thé associe du thé vert et du riz soufflé. Le mélange crée un profil aromatique singulier, à la fois végétal et gourmand. C’est un thé très apprécié pour sa dimension originale.

